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DÉFI D'ÉCRITURE - Le son des sirènes

Photo du rédacteur: Barbara LaurameBarbara Laurame

Dernière mise à jour : 17 sept. 2019




Sur la page facebook de Sophie Lescuyer, il y a des jeux d’écritures.

Celui ci était organisé en partenariat avec Eric Le Parc.

"Dans ce petit jeu d'écriture nous jouons tous pour remporter un exemplaire papier dédicacé de mon fabuleux roman « Histoires Improbables » (ou un autre au choix pour ceux qui l'ont déjà). C'est roman surréaliste, onirique et humoristique mais avec une belle histoire d'amour publié sur Amazon en 2018 mais dont la toute première version date de 1998. Plusieurs éléments s'y sont agglomérés au fil du temps et des réécritures ce qui en fait un bouquin particulièrement improbable mais savoureux .

Pour remporter ce livre nos sympathiques z'abonnés devront donc nous pondre un texte particulièrement improbable qui se déroulera dans un rêve ou un cauchemar.

Comme ce livre nous le rappelle de manière récurrente : dans les rêves tout est permis (et dans les cauchemars aussi) ! On pourra donc y mettre (selon inspiration) tous les éléments contextuels possibles et inimaginables (amour, horreur, SF, fantasy, enquête policière, biniouseries, recettes de cuisine, sexe, tourisme, théories scientifiques etc etc....)... Mais ce rêve ou ce cauchemar tournera (comme dans le bouquin mis en jeu) autour d'un problème administratif insoluble ! (même pas peur! )

Mais devront obligatoirement y figurer :

- un huissier de justice qui ne s'exprime qu'en vers, - une sirène fan de foot,

- un-e chapelier-e excentrique, - une phrase en breton, - un jeu de mots tout pourri.

- les mots chocolat et saucisson (rajout pour Nathalie Brunal et moi)


Pour nos z'amis auteurs qui ont publié au moins un bouquin par un moyen quelconque, deux contraintes supplémentaires :

- La première phrase de votre texte sera la première phrase du deuxième chapitre (ou subdivision) du premier bouquin que vous ayez publié !

- Le personnage principal de votre texte sera le personnage principal du dernier bouquin que vous ayez sorti !


Et vous savez quoi ? J'ai gagné avec mon petit texte que je vous livre ci-dessous !

 

Comment voulez-vous arriver à faire fonctionner cet appareil ? On dirait qu'il s'obstine à me résister ! s'exclama la cliente qui était entrée dans la boutique juste avant sa fermeture.


Moi, je suis Bridget et cette boutique, c’est la mienne. C’est un magasin d’électro-ménager que j’ai récupéré suite à une longue et fastidieuse bataille juridique avec mon ex-mari.

Pendant que cette godiche de cliente tente de faire fonctionner la barre de son qu’elle souhaite offrir à son mari, je me bats avec les papiers du divorce que je dois signer pour la 623ème fois. J’ai l’impression que je ne vais jamais réussir à me débarrasser de tout ça, je n’en peux plus ! 623 fois que je les signe, que l’huissier vient les récupérer et qu’il me chante :


— Promis c’est vraiment la dernière fois, il n’y en aura pas d’autres comme ça, je retourne à mon cabinet de ce pas et vous n’entendrez plus parler de moi !


Mais ça fait 623 fois que je l’entends ton refrain, change de disque ! pensé-je très fort. Et pourtant, je suis là, tout sourire à lui répondre :


— Avec plaisir !


Puis je me retourne et très calmement, je me dirige vers la cliente. J’attrape la barre de son qu’elle tripatouille et je lui explose la tête avec. Mon geste est net, précis. L’appareil vient lui fracasser le crâne violemment. Je la regarde tomber sur le sol, dans une séquence tout au ralenti qui me laisse le temps de voir le trou béant que cela a causé dans sa boîte crânienne et d’où s’échappent des morceaux de matière cérébrale.


— J’ai vraiment frappé fort ! Wouhou ! me dis-je, très satisfaite.


Je n’en pouvais plus de cette vieille bique insupportable ! Mais le corps fait tâche au milieu de la boutique. Je le prends par les pieds et le tire au dehors pour le mettre près des poubelles, c’est jour de ramassage.

J’attrape une serpillère afin d’aller lessiver, je ne voudrais pas que quelqu’un glisse sur l’amas de bouts de cervelle.

Tandis que je décrasse le sol rougi et gluant, j’entends la sonnette de la porte d’entrée qui tinte, m’indiquant que quelqu’un entre.

Je lève les yeux et suis subjuguée par cette apparition.

Des cheveux d’un roux mordoré (si, c’est possible) flottent dans l’air atour d’un visage étincelant, les yeux sont couleur vert d’eau, sa peau aussi blanche que de la porcelaine illumine toute la pièce. Seulement lorsque je continue de la détailler, ce n’est pas un buste avec deux seins charnus recouverts de coquilles St jacques que je vois et auquel je m’attendais, mais un tee-shirt de foot du Stade Brestois.

Pourtant lorsque je regarde ses jambes, je les vois qui se recouvrent d’écailles de plus en plus rapidement. Diantre, c’est bien une sirène ! Et la voici qui tombe sur le paillasson de l’entrée, faisant retentir la cloche sans arrêt !


Ding ding ding ding ding ding…


Ça me rend folle ! Elle est à terre et sa queue de poisson, enfin, de sirène donc, frétille comme celle d’un gobie agonisant tout droit sortir d’une flaque.


Flic flac flic flac, fait sa queue sur le carrelage.

Tap tap tap tap font ses nageoires sur le paillasson.


Mais elle est en train d’agoniser, la bondieuserie de poiscaille ! Elle se met à pousser des petits cris stridents tel un dauphin qu’on égorgerait. J’attrape la barre de son et je l’achève ! Il fallait bien ça, je n’aime pas voir les bêtes souffrir, c’est au-dessus de mes forces !

Sauf que voilà le sol de la boutique encore sali. C’est marrant comme la cervelle de sirène ressemble étrangement à celle d’un humain finalement. C’est donc bien un mélange mi-femme mi-thon ! J’explose de rire tout en continuant de passer la serpillère. Mais la morue a décidé de mourir sur mon paillasson qui se retrouve tout tâché. Je la roule dedans et je tire le tout jusqu’à la benne. Par chance, les éboueurs ne sont pas encore passés.


Je la pose là, tout à côté de la vieille bique et lui lance un petit « kenavo ar’vechal » de derrière les fagots, même si je doute de la revoir une prochaine fois, tout de même.

Je finis de tout astiquer et tandis que je pose un nouveau paillasson, une ombre me bouche la vue lorsque je me relève. C’est un homme cette fois, plutôt grand mais c’est surtout son chapeau qui est gigantesque. Je peine à distinguer ses traits car il est en contre-jour, mais je me dis que s’il garde ce truc sur la tête pour entrer, jamais il ne passera la porte.


— Bonjour mon brave monsieur ! lui lancé-je. Faites attention de ne pas glisser, je viens de lessiver et je vais bientôt fermer !


L’homme me toise de toute sa hauteur, ou bien de la hauteur de sa coiffe démesurée, puis m’apparait enfin à la lumière du jour. Chacun de ses yeux lorgne dans le sens opposé de l’autre. Je ne sais pas comment faire pour le regarder sans suivre son regard et me retrouver avec le mal de mer ! Sa langue sors un peu de sa bouche proéminente, coincée entre l’écart, que dis-je, le fossé, qu’il a entre les deux incisives de devant. Il ne peut parler sans zozoter et me postillonner au visage. Il gesticule beaucoup, articule peu, j’eusse aimé qu’il fasse le contraire ! Je ne comprends rien à ce qu’il veut, et pour arrêter mon mal de mer, je regarde alors ses pieds. Mais l’étrange quidam n’a pas de chaussures. Ses pieds sont aussi grands et démesurés que son haut de forme, ils sont tout aussi noirs et répugnants, comme s’il venait de se faire un bain de pieds dans du chocolat liquide. Ses ongles sont longs, cassés, comme rongés, plein de crasses et de champignons et pas ceux qu’on mange en omelette. En outre, il s’en dégage une odeur de saucisson pourri et de vieilles croutes de fromage à raclette. Je manque vomir sur mon paillasson tout neuf, c’en est trop !


— Avvez-vous vvvuu une sssssirène par isssssi ?


Comme je lui réponds gentiment qu’elle est partie voir ailleurs si mémé était dans la caravane, et que là, vraiment il faut qu’il sorte s’il ne veut pas que je lui vomisse dessus, le bougre enchaîne.


— Vous sssêtes sssurement un fa bémol, vous alors.

— Un fa bémol ? Et pourquoi donc ?

— Parssse qu’un fa bémol, ça vaut mi.


Je ne peux me retenir, plus nul comme jeu de mot, ça n’est pas possible. J’attrape la barre de son qui commence à tomber en morceaux et je fracasse la tête de ce chapelier fou. Le haut de son crâne encore coiffé du chapeau valdingue à travers la boutique, éclaboussant au passage toutes mes étagères, mes télés en exposition, mes barres de son toutes nettoyées, mon paillasson tout neuf et mon carrelage brillant de propreté.

Marre, ras la crêpe, mais qu’ai-je fait pour avoir tous les casses lucioles de la terre dans ma boutique aujourd’hui ? Je suis en train de jeter son corps sur les deux autres lorsque les éboueurs arrivent.


— Vous nous donnez du travail aujourd’hui, mamzelle Bridget !

— Oui, il y a de l’affluence !


Ils me sourient, chargent leur camion et repartent en sifflotant. Je retourne dans ma boutique et finis encore tout mon ménage, je re-brique, je re-frotte, tout est nickel quand j’entends la petite cloche tinter.


— On va fermer ! lancé-je sans me retourner.

— Vous n’avez pas signé les papiers, je me suis permis de les amener !


L’huissier… 623 fois… Toujours cette 623ème fois. J’attrape la barre de son, mon outil de prédilection de ce jour maudit et me dirige vers lui.

Ding ding ding ding ding…

Je me réveille en sursaut, dégoulinante de sueur. Un cauchemar ! Ce n’est qu’un horrible cauchemar ! Je me suis assoupie à la caisse, peu avant la fermeture tellement il a fait chaud aujourd’hui. Je m’éponge afin d’aller accueillir la cliente qui souhaite voir une barre de son pour offrir à son mari.


— Comment voulez-vous arriver à faire fonctionner cet appareil ? On dirait qu'il s'obstine à me résister ! s'exclama la cliente qui était entrée dans la boutique juste avant sa fermeture.


©Barbara Laurame mai 2019


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